Les Etats-Unis ont abandonné vendredi l'offre de récompense pour l'arrestation du nouveau dirigeant syrien, l'islamiste Ahmad al-Chareh, après un premier contact formel avec le pouvoir qui a chassé Bachar al-Assad et s'emploie à rassurer la communauté internationale sur ses intentions.
Plusieurs pays dont les Etats-Unis classent comme "terroriste" le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS) dirigé par M. Chareh et fer de lance de l'alliance qui a pris le pouvoir à Damas le 8 décembre et mis fin à un demi-siècle de règne du clan Assad.
L'organisation, ancienne branche d'Al-Qaïda, affirme avoir rompu avec le jihadisme et cherche à rassurer sur sa capacité à relancer le pays, après une guerre civile de près de 14 ans déclenchée en 2011 par la répression sanglante de manifestations prodémocratie.
Après la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'ONU, Washington a dépêché à Damas une délégation américaine conduite par Barbara Leaf, responsable du Moyen-Orient au sein du département d'Etat, qui a rencontré vendredi Ahmad al-Chareh -- connu jusqu'il y a peu par son nom de guerre Abou Mohammad al-Jolani.
"Sur la base de notre discussion, je lui ai dit que nous abandonnions l'offre de récompense" de dix millions de dollars que le FBI avait annoncée en 2017 pour toute information menant à son arrestation, a dit Barbara Leaf aux journalistes à l'issue de cette rencontre.
Elle a précisé avoir fait part au nouveau dirigeant syrien de la "nécessité cruciale de veiller à ce que les groupes terroristes ne puissent pas constituer une menace à l'intérieur de la Syrie ou à l'extérieur, y compris pour les États-Unis et nos partenaires dans la région".
Il "s'est engagé à le faire", a-t-elle assuré, indiquant qu'il lui était "apparu comme pragmatique".
L'ambassade américaine a précisé que les entretiens avaient porté sur "le soutien à un processus politique inclusif dirigé par les Syriens" et "l'intention de la Syrie d'adopter une politique de bon voisinage".
Dans un communiqué publié à l'issue de la rencontre, les nouvelles autorités ont tenu à "affirmer le rôle de la Syrie dans la promotion de la paix régionale et la construction de partenariats stratégiques privilégiés avec les pays de la région".
"La partie syrienne (..) a indiqué que le peuple syrien se tenait à distance égale de l'ensemble des pays et des parties dans la région et que la Syrie refuse toute polarisation", a ajouté la même source.
Les nouveaux dirigeants sont scrutés sur leur respect des droits humains, leur traitement des minorités dans un pays multiethnique et multiconfessionnel, et l'avenir des régions kurdes semi-autonomes du nord de la Syrie.
En visite à Ankara vendredi, la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, a déclaré que son pays jugerait les nouveaux dirigeants "sur leurs actes".
En marge de l'offensive rebelle contre Bachar al-Assad, des affrontements ont éclaté entre combattants soutenus par la Turquie, alliée du nouveau pouvoir, et Kurdes syriens, notamment autour de la ville emblématique de Kobané (nord).
"Nous pensons que la meilleure solution est un cessez-le-feu autour de Kobané", a affirmé Mme Leaf.
Cette ville a été érigée en symbole de la lutte contre les jihadistes du groupe Etat islamique (EI), qui y avaient connu leur première défaite avant d'être vaincus en 2019.
Pour prévenir sa résurgence en Syrie, où il n'a jamais été totalement éradiqué, Washington soutient les FDS (Forces démocratiques syriennes, menées par les Kurdes syriens). L'armée américaine a annoncé vendredi avoir tué la veille dans une frappe un cadre de l'EI et un autre membre du groupe dans la province orientale syrienne de Deir Ezzor.
La situation reste particulièrement volatile dans les zones où la communauté kurde, longtemps opprimée, craint de perdre l'autonomie limitée qu'elle a chèrement acquise depuis 2011.
Les femmes sont "absolument indispensables" pour reconstruire la Syrie, a de son côté affirmé vendredi la directrice générale de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), Amy Pope.
De retour de Syrie, elle a aussi appelé à "réévaluer" les sanctions internationales pour permettre la reconstruction du pays.
La chute de Bachar al-Assad, en fuite en Russie, a été accueillie par des scènes de liesse, près de 14 ans après le début de la guerre civile déclenchée par la répression de manifestations prodémocratie, qui a fait un demi-million de morts et poussé à l'exil six millions de Syriens.
Dans la capitale, des milliers de Syriens ont de nouveau afflué dans le centre, pour le deuxième vendredi consécutif après la grande prière hebdomadaire.
Des habitants avaient reçu dans la matinée sur leur téléphone portable des messages adressés au "peuple de Damas, ville de jasmin", pour participer au "festival de la libération" sur la place des Omeyyades, au coeur de la ville.
Selon l'ONU, le pays exsangue a besoin de toute urgence d'une aide humanitaire "massive". "Le peuple syrien se trouve à un moment historique et à un moment d'opportunité, et cette opportunité ne doit pas être manquée", a affirmé jeudi le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres.
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